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Violences psychologiques et sexuelles :
des femmes accusent Dany Caligula, le
streameur montant de la gauche
française
Mediapart révèle qu’une ex-compagne du streameur
Dany Caligula l’accuse de viol. Une autre fait état de
violences psychologiques. Le vidéaste populaire à
gauche, qui a construit une partie de sa carrière sur
sa croisade contre la « gauche morale », nie une
grande partie des accusations.
Marie Turcan et Khedidja Zerouali - 7 mai 2025 à 19h16
I
Mise en garde
Cet article fait état d’accusations détaillées de viol, de violences
sexuelles et psychologiques.
l aurait pu s’agir d’un micro-événement, comme il y
en a souvent dans l’univers du streaming : un
influenceur annonce qu’il va faire une pause, puis
réapparaît quelques semaines plus tard. Mais l’aller-
retour en ligne de Dany Caligula est la pointe d’un
iceberg qui s’étend sur une décennie.
Le 5 mars 2025, le streameur politique annonce se mettre
en retrait de la chaîne de la plateforme Twitch sur
laquelle il coanime des émissions en direct, « Dany et
Raz », produite par la société Zawa Prod dont il est
l’actionnaire principal. « Un jour, on va se faire cancel
[annuler – ndlr]. On nous menace avec ça. Il y a des gens
qui veulent qu’on soit finis », prévient son acolyte Raz.
Les deux hommes sont peu clairs, évoquent pêle-mêle
des relations amoureuses de Dany Caligula, anciennes ou
récentes.
Trois semaines plus tard, ce dernier revient souriant
derrière le micro. « J’ai presque oublié ce que ça fait d’être
là », s’amuse-t-il. Pendant quarante minutes, il lit un
texte autobiographique ponctué de morceaux d’analyses
politiques sur le besoin de « faire front » à gauche, mais
aussi de « condamner moins durement » les personnes
mises en cause pour des violences psychologiques,
sexistes et sexuelles.
L’influenceur de 32 ans, qui a récemment interviewé sur
sa chaîne Jean-Luc Mélenchon, François Ruffin et Rima
Hassan, se voit comme un « néo-éditorialiste » de
gauche. Sur la plateforme Twitch, « Dany et Raz »
approche des 100 000 abonné·es. Et sur ses profils
personnels, Dany Caligula – un pseudonyme – est suivi
par 111 000 comptes sur YouTube, 60 400 sur Instagram.
Avec son associé Raz, ils emploient neuf personnes, pour
les émissions Twitch mais aussi pour « Zawa Show », des
rencontres en public qui réunissent des milliers
d’intéressé·es. L’un de leurs leitmotivs ? La croisade
contre la « gauche morale ». Dany Caligula a notamment
bâti sa carrière sur l’importance de la réhabilitation.
Mediapart s’est entretenu avec une vingtaine de
personnes ayant travaillé avec Dany Caligula, partagé sa
vie amicale ou amoureuse. Certaines révèlent la violence
de propos qu’il tient une fois la caméra éteinte. D’autres
rapportent des faits de violences psychologiques et
verbales, pouvant confiner au harcèlement. Une femme
dénonce un rapport d’emprise, une autre, un viol.
Aucune plainte n’a été déposée à ce jour et l’intéressé nie
en grande partie ces accusations.
Au cours d’un long entretien avec Mediapart (lire notre
boîte noire), Dany Caligula a mentionné des
« dépressions », confirmé avoir parfois fait du « chantage
au suicide » et été « harcelant » envers une de ses ex. Il
estime que l’accusation de viol serait une
« transformation » a posteriori d’un événement qu’il
qualifie de « flou ». « Les VSS [violences sexistes et
sexuelles – ndlr], personne n’y survit à gauche, a-t-il
asséné en préambule. Personne ne cherche à comprendre,
et c’est un “free shot” pour nos adversaires, d’extrême
droite, mais aussi de gauche. »
Deux jours à Montpellier
Marion a 32 ans. Si elle prend la parole aujourd’hui, c’est
qu’elle n’a « enfin plus peur » de celui qu’elle appelle
« son violeur ». Marion est une artiste estimée pour ses
œuvres féministes, dont plusieurs abordent le sujet de la
reconstruction après un viol. Elle ne souhaite pas se
cacher, mais demande que son nom d’artiste ne soit pas
mentionné, pour « ne pas être définie par lui ».
L’histoire qu’elle confie à Mediapart n’a jamais été
rendue publique, mais elle l’a racontée à d’autres au fil
des années : son ancienne colocataire, sa mère, son frère,
des ami·es et d’anciens proches de Dany Caligula. Ces
derniers et dernières confirment une constance dans les
faits rapportés.
Marion et Dany Caligula ont 18 ans lorsqu’ils entament
une relation amoureuse à distance, en mai 2011, qui se
solde par une rupture quatre mois plus tard. Commence
alors un flot d’appels et de messages : « Il m’appelle
bourré pour me traiter de pute, puis le lendemain pour
s’excuser. Il m’écrit tout le temps, souvent très tard la nuit.
Il me dit qu’il a envie de se tuer. » Un comportement que
le streameur confirme à Mediapart, expliquant avoir été
à ce moment-là « dans une dépression qu[’il] n’avai[t]
jamais vécue d’une telle ampleur ».
Dany Caligula étudie alors à Montpellier (Hérault). Après
deux mois de « détresse, insultes et chantage », Marion
accepte de faire un détour pour le voir en décembre 2011
– « Je me disais : s’il meurt, ça sera de ma faute ».
À son arrivée, Marion raconte découvrir avec surprise un
Dany Caligula « tout content », qui aurait tenté de
l’embrasser d’office. Elle refuse. « Alors il propose un
câlin, puis essaie de me prendre la main. Il continue de
gratter des marques d’affection, des bisous dans le cou »,
affirme-t-elle. Dans la chambre du logement étudiant du
jeune homme, il aurait de nouveau tenté de l’embrasser.
Elle aurait refusé, avant de céder, tout en tentant de
mettre des distances.
Dany Caligula aurait alors entamé de nouveau un
chantage au suicide. « Il se tient entre moi et la porte, se
braque et me dit : “Si tu ne couches pas avec moi, c’est que
tu me trouves laid. Et si tu me trouves laid, je n’ai plus
qu’à mourir.” » Le streameur aurait alors menacé de
s’ouvrir les veines. « Je lui dis de ne pas le faire, il me
répond : “Donc, on peut coucher ensemble.” Je finis par
céder. »
De la relation sexuelle qui a suivi, Marion dit ne pas
garder de souvenir, à part une « dépersonnalisation, de
voir la scène du dessus, en étoile de mer, complètement
amorphe ». « Il a eu ce qu’il voulait », conclut-elle
aujourd’hui.
Au réveil, Dany Caligula aurait été extatique, Marion
encore choquée. La journée passe, il aurait insisté pour
lui offrir des cadeaux en ville. « De retour dans la
chambre, je regarde les trains pour partir. Mais il me
flique, me demande ce que je fais sur mon téléphone et
veut que je reste encore une nuit. »
« Il sait que je l’ai vécu comme un viol. »
Marion, qui accuse le streameur Dany Caligula de viol
Puis, assure l’artiste, la scène de la veille se serait
reproduite. « Il me redit : “Tu ne me trouves pas beau ?” et
me dit qu’il va se tuer dans la salle de bain, il me parle de
son rasoir, il me dit comment il va faire », se rappelle
Marion. Cette fois, dit-elle, elle « arrive à prétexter un
mal de ventre » pour éviter un rapport sexuel. Mais elle
accepte de le « masturber […] mécaniquement ».
Une nuit passe encore et l’angoisse de Marion atteint son
paroxysme au réveil. « Je me suis mise à haleter, je
n’arrivais plus à respirer, j’ai fait une énorme crise de
panique. Il a alors complètement changé d’attitude, m’a
accompagnée au tram et m’a lâchée là. »
Auprès de Mediapart, Dany Caligula nie toute contrainte
physique ou psychologique – un élément essentiel en
droit français pour qualifier un viol –, bien qu’il
reconnaisse une zone de « flou » sur les événements et
reconnaît avoir parlé de ses envies suicidaires : « Mais je
ne m’en suis pas servi pour lui imposer quoi que ce soit. »
« Pour moi, je ne l’ai pas menacée, je ne l’ai pas contrainte.
Elle pouvait partir, elle pouvait me dire non. C’est
beaucoup trop grave. Si elle m’avait dit non, vraiment, en
mode “je ne veux pas faire ça” ou “arrête”, je me serais
arrêté. »
Il reconnaît toutefois qu’il avait conscience que ce n’était
« pas le big love » ce week-end-là et suppute qu’elle était
« mal à l’aise », car elle aurait entamé une relation
amoureuse à Paris avec un autre homme. Sur la crise
d’angoisse de Marion, il confirme : « Je me rappelle qu’elle
me dit qu’elle veut rentrer plus tôt, finalement, parce que
c’est trop inconfortable, c’est une mauvaise idée. »
Lors de l’échange avec Mediapart, Dany Caligula a
d’abord indiqué s’être masturbé seul le deuxième soir.
Confronté à la version de Marion, il a finalement
confirmé lui avoir demandé de le faire. Mais selon lui, il
ne « franchi[t] pas les lignes ».
Des messages postérieurs
Marion est formelle : « Il sait que je l’ai vécu comme un
viol. » Dany Caligula, lui, assure que Marion ne lui aurait
« jamais dit directement » : « J’ai l’impression que cette
accusation de viol, elle vient plus tard. J’ai l’impression
qu’il y a quand même une post-rationalisation, qui
transforme cette situation en accusation de viol. »
La jeune femme a pourtant explicité la façon dont elle a
vécu les choses à deux reprises par écrit. En avril 2013,
elle lui dit : « Ce qu’il s’est passé là-bas était vraiment
terrible. Tu m’as fait du chantage au suicide pour qu’on
couche ensemble. » Elle précise à l’époque qu’elle ne
l’accuse pas de viol – ce qu’elle fera plus tard.
Dany Caligula répond : « Tu viens de sérieusement
m’inquiéter », mais admet quand même qu’il a « dû être
lourd » et qu’il a « dû insister pour qu’[ils] se remette[nt]
ensemble pendant ce week-end et qu’[ils] se revoi[en]t par
la suite ». Et ajoute : « Je n’ai pas souvenir non plus de
t’avoir entièrement forcée, surtout qu’à part le premier
jour où tu me repoussais un peu, on s’est comportés
“amoureusement” ensuite, jusqu’à ton départ. »
En mars 2014, alors qu’il la contacte à nouveau par
message, elle est ferme : « Tu m’as forcée à Montpellier, je
n’avais pas envie, pas le choix. J’ai fait des cauchemars, des
insomnies, des crises d’angoisse et de spasmophilie
interminables, sans réussir à mettre le mot sur ce qui
n’allait pas, refusant le terme, comme tu t’en rappelles
peut-être dans notre dernier échange. […] J’ai regretté des
tas et des tas de fois de ne pas avoir porté plainte. Je trouve
ça injuste que tu t’en sois sorti sans aucune conséquence. »
Dany Caligula confirme avoir lu ces messages, mais
estime encore aujourd’hui que son ex-compagne
l’accusait seulement de harcèlement ou d’une « zone
grise ». En revanche, il admet lui avoir envoyé des
messages non désirés : « Je reconnais que c’est fondé. »
« Ce qui la dérange vraiment, c’est que j’aie du
succès. Si j’étais boulanger, est-ce qu’elle en ferait
toute une histoire ? »
Dany Caligula
Marion a souvent hésité, mais elle n’a pas déposé de
plainte. « Je ne crois pas à la justice, je veux une
reconnaissance de la société ; de sa société. Je veux qu’ils se
demandent : “Comment on fait pour que ça ne se
reproduise pas ?” Je rêve de ne plus le voir exister sur
Internet. Qu’il fasse un autre métier, qui ne lui procure pas
un tel pouvoir social. »
Sa mère soutient ce choix, bien qu’elle l’ait encouragée
au début à se tourner vers la justice. « Bien sûr, dans une
société parfaite, on se dit, on y va, souligne-t-elle auprès
de Mediapart. Mais là, le résultat risque d’être pire et il
faut être en état de le supporter. »
À l’évocation de la possibilité de quitter la scène
publique, Dany Caligula s’agace et invoque la gauche :
« Donc, c’est une peine. Une peine sociale. C’est là où j’ai
un problème politique. Et je ne suis pas seul. De
nombreuses féministes, personnes queers, afroféministes,
particulièrement aux États-Unis, savent à quel point il y a
quelque chose qui est loin d’être de gauche là-dedans ! »
Il poursuit : « Si je prends ça d’un côté plus négatif, je me
dis aussi, au fond, ce qui la dérange vraiment, c’est que
j’aie du succès. Je suis obligé de le penser. Si j’étais
boulanger, est-ce qu’elle en ferait toute une histoire ? Donc
là, je devrais reconnaître quelque chose que je n’ai pas fait
et perdre mon métier. »
Des insultes et une photo de parties intimes
Après ce week-end à Montpellier, le jeune homme envoie
encore de nombreux messages à Marion, la dénigre, lui
dit qu’elle lui manque, critique ses tatouages et ses
œuvres.
Parallèlement, des commentaires haineux anonymes
apparaissent sur le blog de Marion, pendant plus d’un
an. « T’es idiote ou tu le fais exprès ? », en avril 2012.
« Putain mais c’est trop de la merde ce que tu fais », en
juillet 2012. « Je n’arrive pas à savoir si tu manques
cruellement de vocabulaire ou si tu fais semblant d’être
simplette », en novembre 2012.
Dany Caligula nie en être à l’origine, « à part un
commentaire sur Facebook », mais concède avoir été
proche de certains auteurs. L’un d’entre eux était son
colocataire, Nicolas. Auprès de Mediapart, ce dernier se
rappelle que le streameur se « présentait comme la
victime » après la rupture.
En août 2012, alors qu’ils ne se parlent quasiment plus,
Dany Caligula envoie une photo à Marion : une image de
ses testicules en gros plan. « Les couilles inoubliables »,
précise-t-il dans la conversation consultée par
Mediapart. Il ajoute que le cliché serait « toujours
mieux » que le livre que l’artiste s’apprête à publier. De
l’autre côté du téléphone, Dany Caligula aurait été « ivre
et hilare », se remémore Nicolas, présent à ses côtés. « Je
me souviens qu’elle a répondu “je pleure”, par écrit. Je me
suis rendu compte que ça allait trop loin. »
Concernant la photo de ses parties intimes, le streameur
dit aujourd’hui « le regretter énormément », précisant
avoir envoyé le cliché « à la moitié de son répertoire ».
Le streaming et le succès
Après la conversation de 2014, les échanges entre Dany
Caligula et Marion prennent fin. La jeune femme
s’enfonce dans le mal-être. Sophie, avec qui elle a habité
des années plus tard au Canada, se souvient que Marion
qualifiait systématiquement ce qu’il s’était passé de
« viol ». « C’est la première fois que je voyais quelqu’un qui
avait tellement envie de mourir », rapporte-t-elle à
Mediapart, encore émue. Un détail l’a marquée : « Je me
souviens que pour elle, la pénétration qu’elle avait vécue
était d’une même violence que d’avoir dû le masturber. »
Dany Caligula prend, lui, du galon. Il s’investit dans la
vulgarisation politique et est lui-même victime d’un
violent cyberharcèlement après avoir réalisé une vidéo
sur un streameur d’extrême droite. Une ancienne
compagne se souvient qu’il en souffrait, ne parvenant
pas à détacher le regard des messages sur les réseaux.
« Dany essayait de m’expliquer ses histoires, parfois en
boucle, car ça le travaillait beaucoup. La dépression l’isole
de lui-même et des autres, oui. Mais c’est quelqu’un que je
valorise beaucoup, qui m’a permis d’évoluer et qui a été
patient avec moi. »
En privé, transphobie et sexisme vont bon train
Plusieurs personnes ayant collaboré ces dernières années avec Zawa
Prod rapportent que les streameurs seraient bien plus injurieux hors
micro qu’en direct. Un proche mentionne par exemple des propos
violents et discriminants, que Dany et Raz s’échangent sur un
serveur informatique privé.
Le 7 mars 2023, Dany Caligula surnomme ainsi une journaliste et
streameuse féministe,
« la petite pute de Numerama », mécontent
qu’elle ait été invitée sur France Culture, plutôt que Zawa Prod. Le
lendemain, ils passent l’après-midi à insulter une streameuse trans.
« Ce gros porc diabétique sous assistance respiratoire », commente
Dany Caligula. Raz enchaîne, publiant une photo de la twitcheuse.
« Oh le porc qui respire », enchaîne-t-il.
Contre un militant antiraciste noir actif sur les réseaux sociaux,
Dany Caligula dégaine :
« On voit son gras en HD. » Et de se moquer
de l’intersexualité du militant :
« Intersexe, il est garçon et gros en
même temps, je crois. » Son ami le streameur Cassandre, un
homme trans aujourd’hui employé de Zawa Prod, abonde :
« Il a un
déséquilibre hormonal à cause de sa graisse et du coup il se dit hihi
je suis un peu féminin du coup. » La cible de leurs injures avait
mentionné un an plus tôt sur Twitter que Dany Caligula serait
accusé de violences sexuelles.
Interrogé sur ce point, le streameur s’emporte :
« On se déchaîne
entre nous, c’est tout. On se moque tout le temps, en stream. Ce
n’est pas hypocrite, on défend le droit à l’humour et de dire des
crasses en privé. » Avant de se faire menaçant :
« À ce que je sache,
ce qui est plutôt illégal, c’est la divulgation des conversations
privées. »
Contactés, Cassandre et Raz abondent :
« C’était un moment où on
subissait beaucoup de harcèlement, on relâchait la pression. On a
toujours exorcisé le harcèlement qu’on prend de l’extrême droite, en
les imitant, en se moquant d’eux, en reprenant leurs termes. Mais
cette frustration-là, elle ne doit jamais retomber sur personne en
public. »
Dany Caligula rencontre alors Raz, se définit désormais
comme « queer ou bisexuel » et débat en direct sur
Twitch avec d’autres streameurs. Ils développent des
théories sur la « cancel culture », à laquelle ils s’opposent.
En juin 2020, ils lancent une vidéo en direct avec Raz et
Marie C., cofondatrice de Zawa Prod – qu’elle a quittée en
2022. Ils y supputent que certaines victimes de violences
auraient parfois interêt à mentir pour devenir célèbre.
Dany Caligula ajoute : « Moi aussi, on m’accuse de choses
dans ma vie privée depuis des années, c’est ça qui me fait
peur aussi. » Le direct provoque un tollé chez certains
spectateurs et spectatrices.
Au téléphone, Marie C. explique à Mediapart qu’elle
n’avait, à l’époque, « pas connaissance de ce dont il parlait
vraiment ». « Peu de temps après notre rencontre, il m’a
dit qu’il avait envoyé une photo de ses testicules à son ex
Marion, qu’il regrettait. Je n’étais absolument pas au
courant d’une accusation d’agression sexuelle ou de viol »,
ajoute-t-elle.
Christa Vango « sous emprise »
Nicolas, l’ex-colocataire, n’a plus de nouvelles de Dany
Caligula pendant des années. Jusqu’à ce jour de mars
2025, où il prend connaissance du témoignage de Christa
Vango. Il la contacte : « Je lui ai dit que je la croyais. J’étais
surpris de reconnaître des mots similaires à comment il
m’avait fait me sentir. »
Depuis le début de l’année, Christa Vango enchaîne les
publications sur sa relation avec le streameur, avec qui
elle a été de mai 2022 à fin 2023, sans le nommer. « Je ne
sais pas ce que j’espérais, c’était un peu comme une
bouteille à la mer », explique-t-elle à Mediapart. Elle
parle « en [s]on nom », car, dit-elle : « Ce n’est pas à moi
d’avoir honte. » Cette bouteille a fini par être attrapée par
Tehdak, un gameur – un passionné de jeux vidéo –,
anciennement proche de Dany Caligula. Il lui écrit :
« T’as tout mon soutien, vu comment il pouvait agir de
manière cheloue avec toi en faisant passer ça pour des
vannes, et aussi vu comment il parle des meufs en
général. »
Christa Vango, mannequin noire et créatrice de contenus
antiracistes sur les réseaux sociaux, dit avoir dépéri au
cours de leur relation. « Je suis tombée dans un grave
épisode dépressif, j’ai perdu du poids, j’ai été hospitalisée,
développé des abcès. » Des certificats médicaux en
attestent. « Dans ma vie, j’ai déjà eu des épisodes
dépressifs, il y a un terreau, acte-t-elle. Mais quand on
s’est mis ensemble, j’allais bien. C’est à cause de notre
relation que j’ai plongé. »
Pour appuyer son témoignage, Christa Vango
collectionne les anecdotes sur ce qu’elle considère être
« une relation d’emprise ». Il y a eu ses copines, dont elle
s’est éloignée. « Il ne me disait pas de ne pas les voir, mais
répétait que c’était des normies [des personnes trop
banales – ndlr], assure Christa. Il suffisait qu’il fasse une
petite réflexion pour que je cogite et finisse par m’éloigner
d’elles. » Son amie Juliette confirme : « Elle s’est éloignée
de nous progressivement. » « Soyons honnêtes : on ne la
voyait plus du tout », abonde Stacy.
Il y avait son apparence physique. « Je n’étais pas assez
apprêtée pour lui. Plusieurs fois, je me suis changée pour
que ça lui convienne. » Il y avait l’alimentation. « Il me
faisait des remarques sur ce que je mangeais en disant que
c’était dégoûtant. » Tehdak confirme : « Beaucoup des
remarques qu’il pouvait lui faire concernaient la
nourriture. »
« Il y a une espèce d’omerta autour de Dany et
Raz. »
Ultia, streameuse française
De son côté, Dany Caligula n’accepte pas de tort
individuel, dénonçant des « comportements toxiques »
équivalents chez son ex. Il explique s’être « senti coincé »
dans cette relation où la peur de l’abandon était pesante :
« J’avais une forme d’épée de Damoclès sur la tête. » Il nie
avoir « critiqué ses habits », mais mentionne des
« discussions de couple quand on aime bien se faire
beau ». Sur la nourriture, il ajoute : « Dire à quelqu’un
“attention à ce que tu manges”, ce n’est pas la dénigrer. »
Et estime qu’elle critiquait également son alimentation à
lui.
Raz, qui habitait avec Dany Caligula lorsqu’il sortait avec
Christa Vango, indique qu’il s’agissait selon lui d’une
relation conflictuelle qui « devait se finir ». « Ce n’est pas
pour rien qu’il l’a quittée, dit-il. Je n’ai pas envie de
criminaliser ni l’un ni l’autre, mais si le concept de
violence psychologique est appliqué à Dany, il doit aussi
être appliqué à Christa. »
Le streameur estime que la jeune femme serait en colère
car l’entreprise aurait refusé de lui prêter une caméra,
après la rupture. « Elle veut non seulement me faire couler
moi, mais idéalement si ça fait un peu du mal à la Zawa
Prod… » La créatrice de contenus a échangé
régulièrement avec le streameur jusqu’à l’été 2024.
Aujourd’hui, elle assure qu’elle ne veut plus avoir
« affaire à lui ».
« Dany et Raz » et leurs « positionnements
politiques »
Peu à peu, le comportement de Dany Caligula fait l’objet
de discussions dans les espaces militants à gauche. En
décembre 2024, alors qu’un « Zawa Show » se prépare
avec les députés François Ruffin et Aymeric Caron, un
collectif de musiciennes féministes annule sa venue.
Elles ont été informées par Alexia*, habituée de cette
scène musicale, que Marion accuse l’influenceur de viol
et de harcèlement. Raz appelle la jeune femme,
accompagné de son petit-ami Cassandre, un autre
streameur de Zawa Prod. « Ils m’ont tenu la jambe
pendant deux heures, ils ont essayé de me retourner le
cerveau, ils essayaient de me convaincre que ce n’était pas
un viol », raconte Alexia.
Interrogé par Mediapart, Raz répond : « Je comprends que
ça soit pris comme une défense, mais Dany, c’est quelqu’un
qui, à 18 ans, n’a pas su gérer son premier amour, ses
débuts de relation, sa dépression, sa période suicidaire
hyper véner… » Et explique : « L’important pour nous, vu
que le collectif de DJ se retirait, c’était de pouvoir assurer
que ce genre de comportement, même s’il avait eu lieu,
était de l’ordre du passé et que depuis nous n’avons jamais
rien constaté de cet ordre dans ses relations. En discutant
avec des gens qui sont sortis avec Dany, en le voyant
relationner, on a constaté que la question du chantage, de
la coercition, être un agresseur sexuel, n’était pas
pertinente. Ce n’est pas quelque chose qu’il a fait avec les
gens qu’on connait. »
La chaîne Twitch « Dany et Raz » a beau s’approcher
aujourd’hui des 100 000 abonné·es – un beau chiffre
dans l’univers du streaming français –, le duo peine à
sortir de son statut d’outsider. Dany Caligula l’impute à
ses « positionnements politiques » et au fait qu’ils « ne
viennent pas de classes privilégiées » : « Ce qui dérange,
c’est comment on parle de l’intersectionnalité, comment on
parle de féminisme blanc, comment on parle de gauche
molle… »
D’autres doutent toutefois de cette analyse, rappelant
que le binôme traîne surtout une réputation de boys’ club
virulent. « Un jour, j’ai dit clairement que je ne voulais
rien à voir avec eux, que je trouvais leur rhétorique
antiféministe et que Dany avait des casseroles au cul, sans
trop préciser », rapporte Modiie, une streameuse. « Dany
m’a proposé de l’appeler, s’est placé comme un mec queer,
victime de rumeurs, m’a demandé de laisser une chance à
son contenu. Et je l’ai cru. Pendant un an, je me suis
abstenue de tout commentaire. Avec le recul, je trouve ça
ridicule. »
Ultia, une autre streameuse bien rodée sur Twitch,
abonde : « Il y a une espèce d’omerta autour de Dany et
Raz. On m’a déjà mise en garde sur le fait que leur
communauté est hyper virulente. Se faire harceler par une
communauté avec qui on a aucun lien, c’est une chose,
mais là, c’est la gauche. C’est censé être mon “clan”, à moi
aussi… Ils attaquent beaucoup de monde et ensuite se
réfugient ensuite derrière la remarque : “Ils ne
comprennent pas, c’est la gauche molle.” »
Marie Turcan et Khedidja Zerouali
Si vous avez des informations à nous communiquer, vous pouvez
nous contacter à l’adresse [email protected]. Si vous souhaitez
adresser des documents en passant par une plateforme hautement
sécurisée, vous pouvez passer par SecureDrop de Mediapart, la
marche à suivre est explicitée dans cette page.
Boîte noire
* Le prénom a été modifié.
Dany Caligula a accordé un entretien de trois heures et quarante-
cinq minutes aux deux journalistes de Mediapart le mardi 29 avril,
dans les locaux du journal, où il s’est rendu seul. Il a demandé à relire
ses citations, qu’il a amendées très marginalement.
Mediapart s’est entretenu avec Raz et Cassandre au téléphone le 5
mai 2025 pendant une heure et quarante-cinq minutes. Ils ont
également relu leurs citations, modifiées également à la marge